Comme vous le savez tous, Pépito a écrit un livre sur 120 ans d'escalade à Bleau où il se livre à des attaques sur l'action de la FSGT et où il déforme sérieusement les faits. J'ai donc jugé nécessaire de faire quelques remarques sur son livre, non pour l'attaquer, mais pour donner une autre lecture de l'action de la FSGT (et accessoirement de mes propres écrits qu'il interprète souvent de travers). Ce texte n'est utile que si vous avez lu son livre et il n'est donc pas fait pour vous dissuadez de le lire. Au contraire, je vous y encourage et vous pourrez ainsi juger par vous-même des arguments de chacun.
Quelques remarques sur le livre de Pépito
J’ai acheté son livre jeudi 30 janvier, lors de la séance de révision des cordes au mur et j’ai profité d’un aller-retour à Grenoble le lendemain pour une réunion de la Commission fédérale de montagne et d’escalade (CFME) de la FSGT[1] pour le lire avec intérêt et stupéfaction.
Intérêt parce que Pépito est un acteur incontournable de l’escalade à Bleau et que sa perception de l’évolution de l’escalade et de son action tant individuelle qu’institutionnelle, ne peut qu’être utile à mieux comprendre son engagement. Stupéfaction tant il affirme sur le ton de l’évidence des positions qu’il a évidemment le droit de prendre mais qui devraient être mieux justifiées et qui relèvent souvent d’erreurs d’interprétation des textes qu’il cite, mais surtout par la déformation de faits vérifiables, confirmant ainsi son jugement quand il nous dit qu’à soixante ans on réinvente son passé (page 33 note 2). L’exemple le plus surprenant pour moi de cette réinvention du passé est celui donné dans la note de la page 187 où il nous explique que les « cadres » de la FSGT avaient la hantise de l’accident et avaient édicté des règles « draconiennes et démoralisantes» qui cantonnaient « les grimpeurs dans des voies F et PD pendant cinq ans au moins » pour avoir ensuite le droit (qui donnait ce « droit » ?) de se risquer dans une AD dont il fallait réaliser 40 ascensions pour de nouveau avoir « le droit d’affronter le niveau D ». Et il ajoute que ce programme était inspiré par le modèle soviétique ! Qui s’en souvient ? dit-il. Et bien en tout cas, moi ce dont non seulement je me souviens mais dont je peux fournir des preuves, c’est que ces règles « draconiennes et démoralisantes » n’ont pas empêché Pépito de venir comme débutant n’ayant jamais fait de montagne lors d’un stage d’initiateur d’alpinisme à Chamonix dans les locaux de l’ENSA et d’en sortir 15 jours après avec le diplôme d’initiateur ! Si ce n’est pas réécrire l’histoire ! Je signale aussi que pour ma part, c’est à ma cinquième course que j’ai commencé à grimper sans guide à mon niveau avec deux courses PD pour ensuite faire deux AD et une D à ma neuvième course, une TD à la onzième et ouvrir une voie (D) à la treizième. Et je suis loin d’être le seul à avoir fait de l’alpinisme « en responsable », demandez aux anciens de la section ! On peut aussi mentionner Daniel Dupuis de l’Union Sortive d’Ivry qui a fait la voie des savoyards à la Dibona (ED) dès sa deuxième année de montagne. Comme il prend position sur de nombreux points en critiquant sévèrement la FSGT sur son action, je me sens obligé de lui répondre de manière publique (pour l’instant par le biais du blog de l’ASL et sans chercher à polémiquer) puisqu’il a lui aussi jugé utile de faire ce travail et de le rendre public. Je me contenterai ici d’en rester aux quelques points qui me semblent les plus discutables, à savoir les innovations que la FSGT revendique (circuits faciles, circuits enfants et falaises à l’aise), les objectifs qu’elle a poursuivis (alpinisme populaire puis escalade pour tous) et les motivations des acteurs de ces événements.
La FSGT a-t-elle innové ?
En ce qui concerne les circuits jaunes, Pepito se livre à un décompte tout à fait intéressant et utile de la création de ces circuits et en déduit quatre reproches principaux à la FSGT. Elle n’aurait pas été à l’initiative de ces créations, ces circuits n’étaient pas conçus pour l’initiation comme elle le prétendait mais « réalisés dans le niveau convenant à leurs auteurs et presque toujours suivant l’objectif premier qu’on assignait au circuit en général – se préparer à la montagne – mais assez peu au rôle pédagogique qu’on lui prêtait en réalité » (page 174), elle a suivi un mouvement de développement de l’escalade alpine qui se serait fait de toute façon sans elle (page 176), prenant en 1985 « la locomotive en route vers la popularisation de l’escalade » (page 185) et elle n’a pas effectué la maintenance des pistes et des falaises qu’elle a créées, les condamnant à l’abandon.
Pour les circuits enfants il n’y aurait pas grand-chose à revendiquer puisque l’escalade pour les enfants existait bien avant (page 190) et que les premiers circuits « ont eu le défaut de ressembler aux circuits jaunes montagnes » (page 173), tout au plus l’a-t-elle institutionnalisée. Enfin, pour les voies faciles, « les falaises de Bourgogne ont commencé à être équipées correctement grâce à l’action du CAF en particulier » et si une note signale que le topo d’Hauteroche est paru en 1979 (ce qui implique un équipement qui a commencé en 1974), c’est pour regretter que cet effort n’ait pas été poursuivi dans les autres falaises bourguignonnes (page 181).
Au vu de ce rapide résumé, (car le chapitre sur les circuits faciles développe longuement ces griefs), la cause est entendue, la FSGT n’a pas été très utile et se vante sans raisons. J’ai été au cœur de ces années de l’arrivée de l’escalade sportive et de sa séparation d’avec l’alpinisme, à la fois au sein de la FSGT, au bureau de la Commission fédérale de montagne d’alors (CFM et pas encore CFME) et au bureau national de la FSGT (organisme dirigeant chargé de l’orientation de l’ensemble des activités sportives proposées par la FSGT), mais aussi au sein de la FFM, dans son conseil d’administration, puis à la création de la FFE, à sa réunification avec la FFM pour devenir la FFME dont j’ai été le premier président de son comité sportif escalade, pour finalement en être exclu pour désaccord sur ses orientations. Et cet engagement m’a conduit à une toute autre analyse des évolutions de nos activités et de l’action de la FSGT que celles que nous propose Pépito.
D’abord sur la lecture et l’interprétation qu’il nous donne des statistiques sur la création des pistes faciles. Rien que sur le plan quantitatif, sur la période prise en compte, de 1954 à 2011, sur les 55 pistes créées, 23 l’ont été par la FSGT et 23 par le CAF avec des effectifs respectifs dans un rapport de 1 à 10, comme Pépito le signale d’ailleurs page 189 où il souffle le chaud et le froid, dénonçant la « légende » propagée par le GUMS et la FSGT sur leur rôle moteur dans la création des pistes faciles tout en considérant que la « légende est sauve » et que si « elle a inventé le concept de circuit jaune » mais pas le circuit d’initiation (page 188) il la crédite de l’opération « une piste jaune par massif » (lancée en 1967), sans en garantir la maintenance. Péché capital quand on verra par la suite l’importance qu’a la maintenance dans la morale que prône Pépito. Mais la loupe est trop imprécise, et la période en question est beaucoup trop longue car c’est entre les années 1960 et 1970 que la rupture se fait dans la forêt domaniale de Fontainebleau, la période suivante entre 1970 et 1980 ne faisant que poursuivre cette évolution dans celle des Trois Pignons. Et sur cette période, et encore plus précisément entre 1967, date à laquelle la FSGT lance le mot d’ordre d’une piste jaune par massif, et 1970, il y eu 8 pistes créées par la FSGT sur les 14 nouvelles de cette période[2]. Sur le plan qualitatif, là aussi il y a rupture. Car comme il le souligne avec le texte de Pierre Bontemps publié en 1971 dans Paris-Chamonix, pour le CAF, les pistes jaunes n’avaient comme finalité que de permettre d’accéder aux circuits plus difficiles et pas d’abord à populariser l’escalade à des populations nouvelles. En revanche, pour la FSGT, les circuits jaunes ont toujours été conçus comme une porte d’entrée pour de nouveaux pratiquants. Bizarrement, Pépito le reconnaît à la fin de son livre, page 259, où il écrit que sur un circuit jaune, « n’importe quel débutant accompagné par un autre grimpeur pour le stimuler peut suivre une piste, et en quelques essais, parvenir à gravir plusieurs voies, puis en quelques réussites devenir grimpeur », ce qui fait qu’au bout du compte on ne sait plus trop quel bilan il fait de l’action de la FSGT à propos des pistes jaunes puisqu’il donne des arguments sur la thèse de l’innovation (elle est à l’origine du mot d’ordre en 1967 d’une piste jaune par massif) et celle où elle n’a rien fait de plus que le CAF. J’avoue qu’on s’y perd un peu même si la lecture au fil du texte penche nettement pour une critique sévère de la FSGT. Mais même si elle a incité à faire des pistes faciles, étaient-elles adaptées à ce but ? Pépito considère que ce n’était pas le cas car ce n’était pas des circuits d’initiation et qu’ils étaient orientés sur l’entraînement à la montagne. Sur le premier point, on peut le penser en expliquant ce que l’on considère être un circuit d’initiation mais que ces circuits aient été utilisés rapidement par des « grimpeurs de niveau modeste » (page 173) ne prouve pas qu’ils ne pouvaient pas servir à initier. Il admet d’ailleurs que « le circuit jaune a d’abord été imaginé pour satisfaire aux besoins du débutant » (page 173). Et sur le second point je ne me souviens pas que ce type de considération ait joué dans la conception des circuits jaunes, mais à cette époque, il n’y avait pas encore de séparation entre alpinisme et escalade, la CFM n’était pas encore CFME et notre objectif était encore de développer l’alpinisme populaire, il n’y aurait donc pas eu de contradiction à proposer des circuits faciles en vue de la pratique de l’alpinisme. Mais en fait, l’essentiel n’est pas là, car le mot d’ordre d’une piste jaune par massif n’était pas né brutalement de nos cerveaux enfumés, mais des réflexions qui se développaient dans la FSGT à l’occasion des stages Maurice Bacquet, où Robert Mérand ou Roland Catteau révolutionnaient l’approche pédagogique des activités physiques. Pour la natation, par exemple, il fallait d’une part le grand bain pour se confronter à la réalité de la pratique, et, d’autre part, il fallait la goulotte sur le bord de la piscine qui permettait la sécurité du débutant. Pour nos circuits jaunes, l’idée était la même, être vraiment de l’escalade (et à l’époque où la montagne était présente, cela impliquait aussi des voies exposées) ET pouvoir se parcourir pour l’essentiel sans technicité particulière préalable (du type les trois points d’appui alors recommandés dans les manuels d’escalade). Ce qui est au cœur de cette conception c’est l’idée que c’est l’aménagement du milieu où se déroule la pratique en fonction de l’objectif visé d’autonomie qui lui permet de devenir efficace. C’était le sens des circuits jaunes, comme celui des circuits enfants ou des voies faciles en falaise. Il ne s’agit pas de dire ou de faire croire que toutes les pistes jaunes créées à l’époque étaient parfaites et conformes à nos buts, mais elles ont incontestablement fortement baissé le niveau d’exigence technique pour un visiteur néophyte en comparaison avec les circuits disponibles avant.
Une dernière précision sur le contexte institutionnel de l’époque que Pépito ne prend absolument pas en compte, considérant qu’« il n’y avait pas de différence fondamentale entre les propos du CAF, du GUMS et de la FSGT » (page 170). Il l’avait déjà dit page 127 en citant un texte du CAF de 1948 qu’il trouve ressemblant « par les mots aux conceptions avancées par la FSGT Montagne, quelques années plus tard ». Or quand on lit ce texte qui porte sur l’entraînement nécessaire en école d’escalade à une bonne saison de montagne, on peut y lire une conception de la pratique qui dépend crucialement de l’encadrement disponible (« nous ne pouvons satisfaire toutes les demandes faute d’un encadrement disponible », « le manque de chefs de cordée, qui limitera encore cette année le nombre des participants, aux camps d’alpinisme ») ce qui est très différent, (et compréhensible vu l’époque où la forme dominante de pratique du CAF en tant qu’association était la collective, avec un « chef de cordée » emmenant des « élèves »), de la conception qui était défendue par la FSGT d’une pratique en tête de cordée, sans guide ni client et dont le mot d’ordre principal était « je conduis les courses que je fais ». Comme je le signalais plus haut, j’ai été de longues années mêlé aux débats d’orientation entre les associations liées à la montagne et le moins que l’on puisse dire c’est que le CAF n’était pas sur la même longueur d’onde que la plupart des autres associations (outre la FSGT et le GUMS, il y avait principalement le CIHM, l’UCPA et Tourisme et Travail), désaccords qui se manifestaient surtout au sein de la FFM, dirigée de fait par le CAF, dont la direction était de plus en plus contestée par les autres associations. Ces désaccords portaient essentiellement sur la gouvernance de la FFM, la conception des stages d’initiateur d’alpinisme (sur ce point aussi, la FSGT a innové, également en lien avec les stages Maurice Bacquet, en réussissant, grâce à beaucoup de persévérance et de débats houleux, à faire admettre des débutants dans les stages d’initiateurs, ce dont Pépito a été un des premiers à bénéficier, une conception aujourd’hui largement acceptée et introduite également dans la formation des guides de haute montagne) et sur l’évolution de l’escalade. Ils ont même débouché sur la création d’un Groupe de liaison des associations de montagne (GLAM) qui pendant quelques années a permis la coordination, contre le CAF, des autres associations et qui a conduit à une réforme des statuts de la FFM moins favorables au CAF. Alors si Pépito ne voit pas de différence fondamentale entre le CAF et nous à cette époque, il se trompe lourdement car l’ambiance était loin d’être cordiale. Et si nous écrivions FSGT au départ des pistes jaunes (mais pas ASL puisque l’ASL a été créée bien plus tard) c’est justement parce que nous voulions être reconnus par les grimpeurs dans un contexte de lutte d’influence où nous étions largement dominés. Les relations avec le CAF sont bien meilleures aujourd’hui fort heureusement mais le débat et les enjeux se sont déplacés entre la FFME avec sa volonté de leadership et les autres associations.
En ce qui concerne les circuits enfants, il est quand même difficile de nier que le premier a été créé par Michel Coquard, militant de la FSGT et que cette initiative n’a rien à voir avec le groupe Varappe Cadets du CAF, qui reposait sur la reproduction classique de l’enseignant et de l’élève alors que les pistes enfants étaient conçues pour être utilisées sans l’encadrement d’un technicien. La FSGT n’a certes pas « inventé l’escalade enfant » (page 190), ce qui ne veut pas dire grand-chose et ce qu’elle n’a jamais revendiqué, mais elle a permis à des enfants de goûter à l’escalade sous des formes comparables à celles des adultes en équipant le terrain de jeu de manière à le leur rendre accessible. Là-aussi il n’y a certes pas que des réussites, mais en tout cas il me semble difficile de dire que le premier circuit enfant, celui de l’éléphant, a eu le défaut de ressembler aux circuits jaunes montagne, car il a été réalisé avec des enfants et testé par toute une classe, ce que l’on peut voir dans le film Des montagnes dans la ville qui retrace entre autres l’émergence de ces circuits. Et ne pas voir une innovation dans le traçage du premier circuit, c’est aussi oublier les débats houleux qui l’ont suivi, les résistances acharnées que cela a suscité qui n’ont pas été, comme Pépito semble le suggérer page 191, un refus également partagé entre le CAF, le GUMS et la FSGT. J’ai vécu de très près ces débats et si je ne dis pas que tous les adhérents du CAF refusaient les circuits enfants (en fait je n’en sais rien), en revanche ils étaient combattus farouchement par la plupart de ses dirigeants.
Enfin, si aujourd’hui l’escalade des enfants est acceptée, l’idée même des pistes conçues pour eux est toujours discutée comme Pépito le souligne en citant le texte de Gilles Modica dans le livre sur l’escalade à Bleau publié aux éditions du Mont-Blanc (page 193). Mais ce texte même révèle que la contestation couve encore. Pour le livre en question, j’ai envoyé à Gilles Modica tous les textes que j’avais sur la bataille de la création des circuits enfants et il avait la possibilité d’en faire un récit en historien détaché de cette lutte. Au lieu de cela, il a écrit les quelques lignes que cite Pépito, disant ne pas vouloir polémiquer alors que c’est justement ce qu’il fait, en montrant par là-même qu’il n’a rien compris à ce qui fait la grande différence entre un enfant et un vieillard, à savoir la morphologie. Une piste facile pour enfant ne peut pas être une piste facile pour adulte parce que les prises de la seconde sont trop souvent inaccessibles aux enfants. En revanche, un vieillard n’a pas de problème de taille, mais il en a bien d’autres ![3]
Quant à l’équipement des voies faciles, j’avoue que je ne comprends pas ce qui a pu pousser Pépito à écrire que « les falaises de Bourgogne ont commencé à être équipées correctement grâce à l’action du CAF en particulier ». Je pense qu’il faut le redire avec force, mais à ma connaissance, Hauteroche est la première falaise au monde qui ait été équipée en ayant le souci de proposer des voies de tous niveaux, de façon que la chute soit sans graves conséquences, bref comme le sont aujourd’hui toutes les falaises où se pratique l’escalade sportive. Si Pépito en connaît une plus ancienne qu’il la fasse connaître.
Le rééquipement des autres falaises de Bourgogne s’est fait bien après la création d’Hauteroche qui a commencé en 1974. Et, comme les circuits faciles et enfants, son invention vient de l’idée que c’est l’aménagement du terrain de jeu qui permet la transformation de la pratique. Très prosaïquement, pour qu’un débutant puisse grimper en tête, il ne faut pas qu’il risque sa vie sans protection à quinze mètres du sol. Cette réalisation n’est pas née miraculeusement d’un coup, elle a été précédée de plusieurs initiatives. Pour ma part, au sein de la FSGT, j’en connais trois dont deux auxquelles j’ai participé activement. D’abord avec l’équipement de la falaise d’Herbouilly dans le Vercors, à l’occasion de l’encadrement de la colonie de vacances de Montreuil à Allevard à partir de 1971 où l’on faisait grimper en tête des enfants sur une falaise de plus de vingt mètres que l’on avait équipée pour cela. Je ne crois pas qu’il y ait eu avant cette date des colonies de vacances où des enfants découvraient l’escalade dans ces conditions et il me semble qu’on peut en parler comme d’une innovation. Ensuite, lors de sorties à Saffres avec notre section où l’on pitonnait des petites voies vierges de tout équipement sur la gauche de la falaise pour permettre la grimpe en tête (ce qui nous a valu des critiques souvent violentes de grimpeurs locaux alors même que ces voies n’étaient jamais utilisées). Et il y a aussi eu le travail d’équipement de 4 voies à Cormot par la section FSGT d’Ivry, également à l’extrême bout de la falaise, parce que c’était la seule possibilité pour réaliser ce type d’initiative qui ne pouvait pas se faire dans des voies classiques déjà existantes et peu équipées comme La Montagne à Saffres. Les noms de ces voies, comme J’me poîle en tête ou J’grimpe en tête, en explicitaient bien le projet.
Les temps étaient mûrs pour passer à la vitesse supérieure, à savoir l’équipement d’une falaise importante où nous pourrions mettre en pratique notre conception d’une escalade pour tous les niveaux dans les mêmes conditions de protection, que seuls les grimpeurs de TD pouvaient trouver dans les autres falaises. Mais pour ce faire il fallait une falaise « à nous », libre d’équipement où personne ne revendiquerait un droit de priorité. C’est l’idée que j’ai avancée à une réunion de bureau de la CFM (en 1973 ou début 1974). L’innovation n’était pas dans l’équipement sûr pour tous les niveaux, il avait déjà été testé avec succès avant, mais dans la création d’un modèle de falaise « pour tous les niveaux » qui puisse servir d’exemple et prouver le réalisme de notre conception d’une pratique « en responsable ». Ce qui impliquait que cette falaise puisse offrir des voies non seulement faciles et bien équipées, mais aussi des voies difficiles comme on en trouvait partout. C’était nécessaire pour que l’on ne nous marginalise pas comme grimpeurs de seconde zone qui n’auraient été capables que d’équiper des voies faciles parce qu’ils ne pouvaient grimper que des voies faciles. Il fallait montrer que nous avions le niveau pour grimper des voies difficiles ET que nous voulions aussi offrir des voies faciles bien équipées[4]. Bref qu’Hauteroche proposait un nouveau type de falaise, différente de celles qu’on trouvait ailleurs. Que cet « exemple » ait été suivi, il suffit d’aller dans n’importe quelle falaise moderne pour voir que l’équipement selon cette idée d’une protection indépendante du niveau de la voie est aujourd’hui généralisé dans le monde entier[5].
Qu’est-ce qui explique ce succès planétaire de la normalisation de l’équipement des falaises ? Avant de proposer une réponse à cette question, je dois faire deux remarques. Tout d’abord si la norme d’équipement est maintenant généralisée, l’existence de voies vraiment faciles, grimpables en tête par de vrais débutants, reste peu fréquente. C’est le combat que j’ai perdu à la FFME et qui m’a valu d’en être éjecté. Je voulais que le comité sportif escalade engage des actions d’équipement de voies faciles dans toutes les falaises équipées et je n’ai pas été suivi. Ensuite, si Hauteroche a été copiée quant à sa conception de l’équipement systématisé, ça n’a pas été sans débats. Pépito cite un extrait d’un site en 2018 qui la qualifie « d’Old School », nécessitant un « esprit d’engagement pour grimper "à la limite" », notant également que « certains n’apprécient pas outre mesure », alors qu’à son ouverture et après la publication du topo en 1979, le guide du Cosiroc notait que certains (les mêmes ?) la trouvaient suréquipée. Les années passent et la FSGT a toujours tort pour « certains » !
A mon avis, ce qui explique la généralisation du modèle d’Hauteroche et rend discutable l’affirmation que la FSGT n’a innové en rien, c’est justement l’existence d’un équipement de protection qui rend la chute possible avec une probabilité très faible d’un accident grave. Et en aucun cas le « phénomène Patrick Edlinger » (page 184), qui certes était beau à voir, mais ne pouvait inciter quiconque de raisonnable à l’imiter, en solo dans des voies dont les spectateurs percevaient la difficulté. Et évidemment pas plus Droyer qui dépitonnait les voies au lieu de les équiper, le contraire justement de la démarche d’Hauteroche. C’est la généralisation de la tige de tendeur (ou du goujon de 12) qui a permis l’explosion de l’escalade et son autonomisation par rapport à l’alpinisme. J’attends toujours la mise en évidence d’une autre cause. Retirez tous les goujons des falaises actuelles et passez en boucle les films d’Edlinger ou le solo d’Honnold et vous n’aurez pas un quidam qui se précipitera pour les imiter. En revanche, il faut créditer Droyer (entre autres) de l’invention du libre, consistant à ne pas utiliser les points d’assurage comme moyen de progression. Lui il a commencé à le faire en dépitonnant des voies anciennes, mais cette nouvelle manière de grimper qui a révolutionné l’escalade et a permis l’éclosion de la grimpe sportive, n’aurait pas été possible si l’équipement des falaises ne s’était pas sérieusement modifié dans le sens de ce qui avait été fait à Hauteroche. Sur ce point, la FSGT n’a rien à voir avec l’arrivée de l’escalade libre, mais elle a permis sa généralisation à tous les niveaux, car si les falaises étaient restées équipées comme par le passé, seuls les grimpeurs experts auraient pu se livrer aux joies du libre.
Cette question de l’équipement des voies en falaise est abordée par Pépito page 148 dans un long paragraphe où il affirme que « la sécurisation des voies faciles s’est faite en douceur », « grâce à la forte augmentation du niveau des falaisistes » poussant les montagnards à se résigner « à ne plus ôter les clous dans les vois faciles »[6]. Et il ajoute que cette sécurisation des voies faciles a été « possible parce qu’il y a eu un peu partout, des gens de terrains pour placer les clous ». Il conclut ce paragraphe que j’ai relu des dizaines de fois pour bien comprendre ce qu’il avançait en vilipendant « ceux qui n’ont jamais installé un seul point de protection dans une voie propice à l’initiation mais qui vous disent aujourd’hui, maintenant que le boulot est fait, qu’ils se sont battus toute leur vie pour convaincre que les voies faciles doivent être aussi bien protégées que celles extrêmement difficiles ! Ce n’est pas l’idéologie qui a fait qu’on a sécurisél’escalade en falaise grâce aux clous, c’est la psychologie !».
Essayons de démêler un peu ces affirmations. Si je comprends bien, il était un temps où les voies faciles n’étaient pas bien équipées pour « se préparer à la prise de risque quasi incontournable en montagne », mais « à partir des années quatre-vingt » il y a eu un « changement d’optique » permis par la hausse du niveau des grimpeurs en falaise. Il faut évidemment expliquer la raison de ce tournant miraculeux, ce qu’il ne fait pas, et que pour ma part j’attribue précisément à la généralisation de l’équipement « béton » des falaises dont Hauteroche a été le précurseur (je rappelle que le début de l’équipement d’Hauteroche date de 1974). Le niveau des grimpeurs n’a pu s’améliorer que parce que la chute est devenue banale car sécurisée, permettant de grimper à sa limite sans trop de risques. La psychologie a bien joué un rôle mais parce que l’équipement le permettait. Et on doit cela au travail des équipeurs, travail qui loin de s’être fait en douceur, (il n’y a qu’à lire les déclarations de Doug Scott critiquant l’équipement ou d’entendre les anglais dénoncer le « cancer français » qui se répand dans le monde), s’est fait sur fond de polémiques pas toujours complètement éteintes. Je ne prétendrai pas que tous ceux qui se sont mis à équiper les falaises l’aient fait parce qu’ils ont imité Hauteroche, mais il est un fait qu’Hauteroche a été la première falaise équipée de ce type (et elle reste toujours une des rares à offrir nombre de voies de niveau bien inférieur au 4 équipées pour permettre à des débutants de grimper en tête). J’ai développé dans La leçon d’Aristote la raison de fond qui explique selon moi cette évolution de l’escalade sécurisée qui était d’une certaine façon dans l’air du temps, c’est-à-dire en phase avec le développement de la mondialisation en recherche de nouveaux marchés et de créations d’emplois moins soumis à la concurrence par leur attachement à un territoire non délocalisable comme le sont les falaises. La sécurisation des falaises était une condition nécessaire pour qu’un marché puisse se développer car on ne peut pas vendre un produit dont la consommation entraîne un risque trop important (c’est la même logique qui explique l’équipement de l’Everest). A l’époque, je n’avais pas fait cette analyse et l’idée directrice de la création d’Hauteroche, comme je l’ai expliqué plus haut, était de permettre l’accès à tous les niveaux à la grimpe en tête. Ce n’était pas de l’idéologie mais la transposition à l’escalade des pratiques pédagogiques que la FSGT développait aux stages Maurice Bacquet. Enfin, pour dire un mot de l’apostrophe de Pépito à « ceux qui vous disent qu’ils se sont battus toute leur vie sans n’avoir jamais rien fait », je la trouverai plus productive si elle nommait ceux qui sont visés[7], en tout cas pour ma part je ne me sens pas concerné.
Maintenant, ce qui est important c’est ce que ça produit. Certes l’équipement moderne a démultiplié le nombre des grimpeurs dans le monde (et j’en remets une louche : la FSGT n’est pas pour rien dans cette évolution), mais si elle a lutté pour faire admettre l’intérêt pour tous d’un équipement conçu autrement que par le passé, est-ce qu’elle en a tiré quelques bénéfices ? Pépito pense clairement que non et si je comprends bien nombre de ses sous-entendus, il lui en fait le reproche. La FSGT s’est trompée sur toute la ligne, je pense que le bilan est loin d’être si noir.
Quels sont les objectifs de la FSGT ?
Tout au long de son livre, Pépito reproche à la FSGT de ne pas avoir rendu l’alpinisme populaire contrairement à ce qu’elle affirmait. Je ne reproduis pas ici, dans ce texte déjà bien long, les nombreuses citations qui vont dans ce sens (par exemple page 183 où il fustige « les théoriciens qui se battaient pour que s’épanouisse devant nos yeux ébahis l’alpinisme populaire avant l’aube du 21ème siècle »)[8] . C’est de cet échec qu’il tire la conviction que la FSGT s’est lourdement trompée et qu’en 1985 elle renonce à « son rêve d’alpinisme populaire pour prendre la locomotive en route vers la popularisation de l’escalade » (page 185),se lançant dans une « nouvelle bataille gagnée d’avance : répliquer l’escalade en bloc au cœur des cités populaires » (page 254)[9]. 1985 c’est la date de la publication de L’alpinisme ? Laisse béton ! que j’ai écrit avec Louis Louvel et que Pépito cite souvent à l’appui de ses dires. Malheureusement il l’interprète de travers, car ce livre est justement écrit pour tenter de comprendre l’échec de la mise en œuvre de cet alpinisme populaire qui ne s’est jamais concrétisé et de se donner un nouvel objectif. Autrement dit, à partir de 1985 (en fait au moins deux ans avant, le temps d’écrire le livre) l’alpinisme populaire n’était plus l’objectif de la FSGT (la réponse à la question posée par la première partie du titre, L’alpinisme ? était Non ! Et le nouvel objectif c’était le développement de l’escalade via les falaises du type d’Hauteroche (qui existait depuis 1974) et les murs d’escalade dont nous avions déjà fourni le prototype avec les blocs de la fête de l’Humanité dès 1981 (encore une innovation, qui fut immédiatement copiée par la société Escapade qui commercialisa ses blocs construits sur les mêmes cotes que les nôtres) et la création du mur du lycée de Corbeil en 1982 sous l’impulsion d’Yves Renoux, alors adhérent à notre section. Une curieuse façon de prendre le train du développement de l’escalade en marche.[10] L’idée des blocs de la fête de l’Huma a été rapidement reprise par des entreprises (dont Entreprise justement) qui y ont vu avec raison un marché potentiel et le mur de Corbeil, lui aussi le premier dans un établissement scolaire a conduit au développement des murs dans les établissements scolaires, de la maternelle à l’université et à l’inscription de l’escalade dans les programmes d’EPS et au baccalauréat. Et il se trompe complètement quand il écrit page 255 que grâce aux murs, aux pistes nous avions annoncé « inévitable comme une prophétie » que « l’alpinisme populaire devait advenir via l’escalade populaire dès l’an 2001 ». Je serais curieux de savoir d’où il tire ces phrases présentées comme des citations dans son texte.
Car dès 1985, nous n’avions plus l’objectif de développer l’alpinisme populaire il est donc logique que tout ce que nous avons fait ensuite sur l’escalade ne l’ait pas fait non plus. Nous avions attribué notre échec à des causes sociologiques en nous appuyant sur les travaux de Bourdieu et en faisant le constat que les pratiquants étaient principalement des personnes à fort « capital culturel », ou dit moins techniquement, qui avaient fait des études davantage que la moyenne de la population. Donc moins un statut social par le revenu que par le niveau d’études. Pour ma part, j’y ai ajouté la thèse de l’essence de l’alpinisme comme rapport à la mort, thèse que j’ai commencé à élaborer en 1989 lors du colloque sur l’escalade tenu à l’ENSA et qui a été la première manifestation importante consacrée à l’analyse de l’émergence d’une autre pratique de l’escalade que simple technique de l’alpinisme. Et si la tige de tendeur ou le goujon de 12 ont permis le développement de l’escalade actuelle, si de nombreux alpinistes ont cessé de faire de l’alpinisme pour ne faire que cette nouvelle escalade, je maintiens, (en attendant qu’on m’en fournisse une explication plus convaincante), que c’est par la réduction drastique permise par l’équipement de ce rapport à la mort caractéristique de l’alpinisme.
J’ai longuement développé cette idée dans La leçon d’Aristote et comme Pépito y revient succinctement dans son livre en se méprenant sur ce qu’il faut en comprendre il me faut encore en dire un mot ici. Page 57, il écrit que j’ai défini l’essence de l’alpinisme par le risque de perdre la vie. C’est inexact, ce que j’ai écrit c’est que l’essence de l’alpinisme c’est son rapport à la mort. Et dans cette phrase, le mot fondamental c’est « rapport », l’essence (quelle qu’elle soit) n’est pas une substance préexistante qu’on pourrait isoler comme un gène, c’est un rapport, donc un lien entre deux termes, ici une pratique d’ascension et la mort comme conséquence possible. Cela implique notamment que cette « essence » est évolutive, le rapport en question prenant des formes différentes selon le type de pratique d’ascension et l’évolution de la technique et je suis d’accord avec Pépito quand il écrit page 60 que « l’alpinisme est moins une problématique de lieu que de style », c’est justement ça qui est impliqué dans le terme « rapport ». Ainsi, par exemple, après la généralisation de l’escalade artificielle qui a permis de gravir des directissimes dans des faces auparavant inaccessibles, (notamment dans les Dolomites où elle a été très utilisée avant de toucher les Alpes comme avec la face Ouest des Drus), celle-ci s’est trouvée très décriée, surtout après l’apparition du spit qui pouvait se placer n’importe où, et elle a progressivement disparu des chroniques alpines relatant les exploits des alpinistes. Puis, l’invention de nouveaux instruments d’assurage (friends, copperheads, ancres diverses, mini coinceurs utilisables dans des fissures superficielles que seuls les pitons pouvaient permettre de gravir avant, …) ont réintroduit le risque mortel dans l’artificiel. Avec le refus de l’utilisation des spits et même des pitons pour ne faire que de l’escalade « clean » c’est-à-dire juste avec ces nouveaux moyens, au prix d’un risque de chute potentielle de plusieurs dizaines de mètres on a retrouvé les ascensions artificielles dans les chroniques alpines. Le risque de perdre la vie n’est pas l’essence de l’alpinisme, juste une conséquence possible de sa pratique, et dont toute son histoire montre la réalité. L’alpinisme se manifeste quand ce risque est considéré comme objectivement impossible à évacuer. Ce qui fait que l’escalade solitaire sur des parois rocheuses ou sur des blocs hauts avec chute interdite, c’est de l’alpinisme. Alex Honnold me semble en être une preuve vivante, même si lui-même ne se considère pas comme un alpiniste (ce qui montre d’ailleurs que ce n’est pas la conscience qu’en ont les acteurs qui fait l’alpinisme, ni le fait que « la plupart des alpinistes » (page 57) n’adhèrent pas à ma thèse, c’est la manière concrète dont on gère ce rapport à la mort). Alex Honnold a évidemment parfaitement conscience qu’il risque sa vie en grimpant en solo dans des voies extrêmes[11], il ne le fait donc pas n’importe comment et prend sa décision quand il se considère prêt, comme on le voit dans son film Free solo où il redescend d’une première tentative dans Free rider. Il a donc développé une conscience aigüe de ce rapport, puisqu’il le vit à la limite. Ce faisant, il a pu transposer immédiatement cette contrainte dans des ascensions alpines où il avait été invité à participer, explosant les temps « normaux » (par exemple avec la traversée nord-sud Cerro Standhardt, Punta Herron, Torre Egger, et Cerro Torre réalisé en 21h avec Colin Haley quand la première avait pris trois jours) ou ouvrant des variantes directes que les premiers ascensionnistes n’avaient pas imaginé possibles. C’est-à-dire qu’il avait tellement intégré le rapport à la mort qu’il vivait dans ses solos, qu’il est immédiatement devenu un alpiniste de haut niveau reléguant les réalisations des alpinistes « classiques » à de timides brouillons (du moins en rocher, car pour la glace ou le mixte il devrait évidemment se perfectionner techniquement s’il décidait d’en faire).
Page 58, dans la note 2, si Pépito me cite correctement en écrivant que selon moi, « l’essence de l’alpinisme serait son rapport à la mort », en revanche, quand il ajoute que cela implique qu’il n’y a alpinisme que si « le risque de mort est (omni)présent et accepté, au contraire de l’escalade où ce risque est refusé », il introduit une interprétation subjective qui n’est pas nécessaire. Qu’on ne sache pas qu’on risque sa peau en faisant de l’alpinisme, ne signifie pas qu’on n’en fait pas, mais qu’on prend de grands risques à en faire, car la meilleure façon de se tuer c’est de ne pas savoir que c’est possible. L’acceptation du risque mortel ne fait pas partie de la définition de l'alpinisme ou de son essence, c’est juste une nécessité pour le faire avec les meilleures chances de succès (c’est-à-dire de revenir vivant). Et en escalade sportive, l’équipement (mais aussi le nettoyage des voies, le scellement des prises branlantes, le brossage des mousses, …), s’il ne supprime pas tout risque (il n’y a pas d’activité humaine sans risque), le réduit considérablement comme le montrent les statistiques alors que le nombre de grimpeurs a augmenté exponentiellement quand le nombre de décès est très faible (et le plus souvent dû à une erreur humaine). Le risque n’est pas « refusé », il a objectivement été réduit et a permis l’explosion du nombre de pratiquants (sinon quoi ?). Si les grimpeurs et les alpinistes ne partagent pas en majorité ma thèse (ce qui resterait d’ailleurs à prouver), ils la justifient pratiquement par leurs comportements. Il ne s’agit pas de nier qu’il y ait du risque à grimper mais que ce risque n’a rien à voir avec celui existant quand on grimpe en solo, ou sur un bloc haut avec chute dangereuse ou sur une montagne où la descente passe par le sommet. Comme souvent, la différence quantitative du degré de risque entraîne une rupture qualitative qui conduit à bien différencier « l’essence » de ces deux pratiques ce que les pratiquants comprennent parfaitement au travers de leurs choix. Et un peu plus loin, page 59 quand Pépito parle du risque de chute qui reste toujours présent et qui est nécessaire à une pratique satisfaisante (pour la FSGT nous l’avons toujours affirmé, l’escalade c’est en tête de cordée quel que soit son niveau) ou page 60 qu’il donne à l’escalade une dimension psychologique dont il faut tenir compte, il a raison mais il oublie que l’équipement a aussi changé le statut de la chute (c’est le passage du quantitatif au qualitatif dont je parlais plus haut), qui d’interdit la plupart du temps en alpinisme devient un moyen de progrès en escalade (ce que des vieux grimpeurs comme moi, qui ont pratiqué d’abord l’alpinisme ont bien du mal à accepter au contraire de ceux qui ont débuté l’escalade avec l’équipement « béton ») et ce faisant induit un changement dans l’essence de l’activité.
Et dans ce changement, qui est récent contrairement à ce qu’il indique dans la note 3 de la page 57, l’action de la FSGT, telle que je l’ai présentée ci-dessus, n’a pas été sans effets.
Mais il y a encore plus fondamental sur cette phrase traitant de l’essence de l’alpinisme qui a visiblement du mal à être bien comprise. C’est que le terme « essence » est trop souvent mal interprété en ne lui reconnaissant pas le statut d’une catégorie philosophique et en le confondant avec un concept de nature scientifique qui décrirait la réalité d’une chose ou d’une activité. Une catégorie au sens philosophique (et je ne dis pas cela pour jouer mon rôle de « lettré à la pensée profonde », mais parce qu’il faut bien expliquer ce que l’on entend quand on utilise certains mots) ne caractérise pas les propriétés les plus générales de son objet mais la nature de notre rapport cognitif à cet objet. Le propre d’une catégorie philosophique c’est d’énoncer un rapport universel entre nous et les choses qui rend indissociables le subjectif et l’objectif. L’alpinisme caractérisé philosophiquement par son essence, c’est un rapport entre nous qui le pratiquons et ses caractéristiques objectives dont le risque mortel est l’une des plus indubitables. Ce risque est objectif, toute l’histoire de l’alpinisme en témoigne et dès que nous (subjectif) allons en montagne, nous nous y affrontons (nous entrons en rapport avec ce risque et c’est justement quand subjectivement nous le minorons ou pire l’ignorons que nous risquons le plus). Le concept scientifique change au fur et à mesure de l’avancée des connaissances, la catégorie philosophique évolue en fonction de notre rapport aux choses et donc de la conscience que nous en avons. La « matière » par exemple au sens scientifique, comme concept n’est plus du tout aujourd’hui ce qu’elle désignait il y a un siècle, mais en tant que catégorie elle ne veut rien dire de plus que « ce qui existe en dehors de nous indépendamment de la conscience que nous en avons ». Quoi que pense le physicien, cela ne change pas le concept scientifique de matière qui ne dépend que des connaissances accumulées, alors que notre conscience fait partie de la catégorie philosophique de matière.
Dire que « l’essence de l’alpinisme est la lutte de l’homme contre lui-même à travers la montagne » (page 57, note 1) met l’accent uniquement sur le côté subjectif (la lutte contre soi-même), dont il faudrait expliquer la genèse[12] et en quoi, quand elle se déroule en montagne, elle acquiert une spécificité par rapport à d’autres circonstances ou l’homme lutte contre lui-même (par exemple quand il cherche à ne plus fumer, on peut dire que c’est la lutte contre lui-même au travers du tabac). La montagne est un décor finalement secondaire tant qu’on n’a pas expliqué ce qu’elle apporte à cette « lutte » qui reste bien abstraite (qu’est-ce que ça veut dire « lutter contre soi-même concrètement ? se gifler ?). Pour moi la « lutte » c’est d’essayer de rester en vie, donc de gérer le rapport au risque mortel qui est une donnée objective de l’ascension des montagnes. Quant à la « conquête pour une acquisition symbolique de sommets réels » que Pépito reprend à son compte comme essence de l’alpinisme (page 57, note 1) cela ne définit pas une essence, mais c’est une interprétation du sens d’une pratique. L’homme a gravi des montagnes et c’est (interprétation) pour les acquérir symboliquement (il resterait à expliquer pourquoi, que sont ces symboles, pourquoi cette invention a eu lieu à l’époque où elle s’est produite, … ).
Finalement, je crois qu’une des difficultés que provoque ma thèse de l’essence de l’alpinisme comme rapport à la mort, c’est qu’elle semble trop abstraite aux alpinistes qui n’y reconnaissent pas leur pratique. Ce faisant ils m’objectent des arguments du type « moi je ne pense pas toujours à la mort quand je grimpe » ou « je ne vais pas en montagne pour risquer ma peau » (confondant ainsi la raison (subjective) qui les pousse en montagne et le risque (objectif) que cela implique. Mais ce n’est pas l’objectif d’une telle thèse de décrire une pratique, c’est de caractériser le sens pour nous de notre rapport cognitif et/ou actif avec le monde (ici celui de la montagne).
Page 253, Pépito cite un texte que je reproduis ici : « Le succès de l’escalade sportive n’est pas le fruit d’un simple effet de mode. La FSGT a été non seulement pionnière dans sa démocratisation en France, mais elle a également contribué à y développer un modèle spécifique, en s’appuyant sur ses qualités historiques : vie associative et sens de l’innovation ». Il ajoute que ces mots lui sabrent le moral car ce qu’il en retient c’est qu’au-delà des mots, dans les réalités du moment, il n’y a pas de relève dans leurs rangs.
Je tiens à le rassurer sur ce point. Évidemment, le développement de l’escalade est loin d’avoir bénéficié seulement à la FSGT (ni même d’abord et ce pour des raisons de fond sur lesquelles je dirai un mot plus loin), mais elle a aussi permis de faire émerger une relève contrairement à ce qu’affirme Pépito et dont je me demande bien d’où il tire cette certitude. En 1970, 2500 grimpeurs affiliés à 30 clubs sont à la FSGT, en 1984 ils sont 3000 pour 40 clubs, 3578 pour 65 clubs en 2009 et 7923 pour 88 clubs en 2019. Dans la FSGT, dont les effectifs diminuent lentement depuis 1984, l’escalade est une des rares activités en progression, croissant de 20 % de 1984 à 2009 et de 133% sur les dix dernières années. Et cette progression s’est principalement construite sur des clubs nouveaux bénéficiant d’un mur et y développant une vie associative riche basée sur l’entraide, l’échange et l’innovation (et oui, là aussi[13]). Des clubs comme Roc 14 ou Grimpe 13 atteignent entre 600 et 800 adhérents et refusent du monde chaque année pour cause de saturation du mur.
Qui s’investit et pourquoi ? : la question des motivations
C’est une question que Pépito aborde en particulier dans son chapitre sur le bénévolat. Et on peut dire que sa réponse est sans nuance. Il n’existe de vrais bénévoles dans le milieu de l’escalade que parmi les « peintres en piste », même ceux qui les créent mais ne les entretiennent pas sont soupçonnés d’avoir des motivations peu altruistes, listées longuement page 215 allant du plaisir qu’on y prend au besoin d’exister en passant par la soif de reconnaissance, la vanité d’être ou l’amour de soi. Je ne dis pas que ces motivations ne puissent pas exister, mais d’une part elles peuvent aussi être présentes chez les « peintres en piste » et d’autre part, l’argument qu’il ne peut y avoir « véritablement acte militant ou action bénévole que lorsqu’on réalise un circuit d’initiation de manière altruiste[14], sans satisfaire à un besoin propre, ou encore lorsque l’on travaille sans salaire à la maintenance du terrain de jeu » (page 217) s’il correspond sans doute à son ressenti est trop lié à sa pratique pour être pris comme un argument probant dans sa « démonstration ». Si on pousse son raisonnement à la limite, il n’y a qu’un seul altruiste sur terre, Pépito !
Il ne s’agit pas de défendre l’idée que tous ceux qui s’investissent dans une activité quelconque ne le font que pour le bien des autres et sans en tirer aucun bénéfice personnel. Même si de tels comportements peuvent exister, mon expérience de plus de 50 ans de militantisme à la FSGT me montre qu’ils ne sont pas durables et qu’il doit aussi exister des intérêts personnels à s’engager. Par exemple, repeindre une piste à l’identique sans avoir le droit de la modifier comme ça a trop souvent été prôné par le Cosiroc et/ou l’ONF, c’est possible une ou deux fois mais on n’en fait pas son activité principale. En revanche si la repeinte est associée à la modification en cherchant à améliorer le circuit d’une manière ou d’une autre (oubli des voies patinées ou expos, suppression des « bouses », plus grande homogénéité du niveau, plus grande variété des styles de grimpe, …) on augmente la motivation des peintres en piste et on risque fort d’en augmenter le nombre. C’est d’ailleurs exactement ce que fait Pépito et c’est remarquable. Mais de là à prétendre que c’est la seule activité qui le soit, toutes les autres étant soupçonnées de motifs inavouables, il y a un pas qui me semble difficile à franchir. Participez à des réunions n’est pas toujours enthousiasmant, mais il y en a où on a le sentiment de faire avancer les objectifs qu’on se donne et ce type de satisfaction justifie qu’on continue à en faire. Par exemple quand Thierry Bienvenu et Pierre Richard ont créé l’AGILE et effacé des circuits, j’ai participé avec Noël à des réunions de conciliation à la FFM qui ont permis d’étouffer le feu. Je pense aussi à des réunions du bureau parisien de la FSGT Montagne qui, si elles n’étaient pas toujours passionnantes l’ont été suffisamment pour que Fanfan, Noël et moi y ayions participé pendant de nombreuses années à raison d’une par semaine (de manière complètement gratuite et sans jamais avoir eu l’idée de demander le remboursement de nos frais d’essence et il y en a eu des réservoirs !). Il y a eu aussi les stages Maurice Gratton (subtile référence aux stages Maurice Bacquet de la FSGT, au nom trop grossier pour des grimpeurs émérites) où nous avons collectivement pris la décision de la nouvelle orientation de l’escalade pour tous qui parait si évidente à Pépito aujourd’hui mais qui l’était beaucoup moins à l’époque où ni les murs ni les falaises équipées béton n’existaient.
Finalement, cette question des raisons qui font que l’on s’investisse me semble très secondaire, l’essentiel étant dans la réalité de l’investissement. Quelles que soient les raisons initiales, « bonnes » ou « mauvaises », la pratique qui en découlera, si elle est enrichissante transformera les individus concernés. La trajectoire personnelle de Pépito en est un des exemples évident, mais il est dommage (pour lui) qu’il le vive comme un combat contre les mauvais choix de ceux qui ne font pas les mêmes que lui.
Mais abordons de front son reproche explicite du peu d’engagement dans la maintenance, en particulier de la FSGT. Tout d’abord il faut relativiser ce jugement. D’une part parce que l’augmentation des adhérents de la FSGT s’est surtout faite à partir des murs et n’a donc que progressivement débouché sur l’escalade en milieu naturel, mais j’ai participé il y a environ un an à une réunion au siège national à Pantin, organisée sur la demande de ces nouveaux clubs, qui s’interrogeaient sur la manière de s’engager dans l’entretien des pistes à Bleau, dont ils voyaient l’utilité, la « valeur sociale » comme le dit justement Pépito et qu’ils percevaient comme un bien commun à préserver. Il n’y a donc pas de fatalité et on peut penser que de nouveaux « peintres en piste » vont apparaître (je crois d’ailleurs que des adhérents de la FSGT ont déjà participé à l’entretien de circuits mais je ne me souviens plus desquels). D’autre part, concernant le reproche que la FSGT a abandonné l’équipement des falaises au CAF, c’est complètement faux. L’équipement d’Hauteroche est toujours suivi par la FSGT, où Rémi Capeau joue un rôle moteur comme celui que joue Pépito à Bleau, dynamisant des bénévoles qui passent plusieurs week-ends à entretenir les voies (et aussi à en ouvrir de nouvelles). Un film a été réalisé sur Hauteroche qui est visible sur le net et où on explique le travail qui se fait. Ce travail est d’ailleurs soutenu par le village d’Hauteroche dont les habitants reçoivent chaleureusement les équipeurs, organisant des soirées festives conviviales qu’on peut voir dans le film. Il est vrai que cet entretien a connu des périodes moins fastes et que l’entretien s’est fait moins souvent pendant une certaine période de temps. Ce n’est plus le cas aujourd’hui et la préoccupation principale de Rémi c’est de veiller à trouver quelques remplaçants le jour où il lèvera le pied. Il y a là le déroulement classique de la vie associative qui repose (trop) souvent sur l’engagement de quelques personnes et qui disparaît avec eux. C’est la préoccupation constante que doivent avoir ceux qui sont au démarrage d’un processus de chercher à le maintenir. Quant aux autres falaises bourguignonnes, la FSGT n’a jamais eu l’intention de s’y investir, elle n’en aurait jamais eu les forces et il est très réconfortant que le CAF s’y soit investi, mais on peut se demander s’il l’aurait fait avec tant de zèle si Hauteroche n’avait pas ouvert le bal ! C’est la même chose avec Orgon et Mouriès où nous avons été à l’origine du développement de ces falaises avec, surtout pour Orgon, un accent mis sur des voies très faciles. Que l’on n’ait pas continué sur ces sites s’explique surtout parce que le mouvement a été lancé par les grimpeurs parisiens (parmi lesquels la section de sainte Geneviève a été très active) et qu’il est très difficile d’entretenir une falaise en en étant si éloigné. Mais là aussi ce qui compte c’est que localement il y ait eu des relais qui ont permis de continuer à faire vivre ces falaises qui sont toujours utilisables aujourd’hui (Mouriès en face nord un peu moins à cause du patinage des voies). Enfin, je signale à Pépito que Daniel Dupuis a initié l’équipement à Saint Hugon dans l’Isère une falaise sur le modèle d’Hauteroche dans l’enceinte d’un temple bouddhiste !
Un dernier point doit sans doute être abordé sur ce sujet de l’entretien des circuits et c’est celui de ma propre participation. Comme Pépito utilise beaucoup de non-dits et fait des reproches voilés à beaucoup de monde, il me semble que je dois être, sur ce sujet au moins, un de ceux qui ont abandonné l’entretien des pistes. Sur le plan factuel, c’est complètement exact, il y a bien longtemps que je n’ai pas tenu un pinceau. Il fut un temps où je l’ai pas mal pratiqué, en particulier avec Noël, que ce soit avec des ouvertures (comme les pistes bleues et rouges de J.-A. Martin et de la Roche aux sabots, la jaune de la Roche aux sabots, la rouge de Beauvais Nainville (aujourd’hui reprise dans d’autres pistes), la jaune du Diplodocus, l’orange entre la Roche et la 91.1 ou la bleue du rempart de la Canche mais sans doute insuffisant pour que Pépito nous gratifie d’un travail d’ouverture dans sa liste d’ouvreurs page 303) ou avec des repeintes comme la saumon d’Apremont (74 numéros) que j’ai repeinte entièrement avec Noël, sauf un numéro que nous n’avions pas trouvé et qui nous a conduits à ouvrir une nouveauté. Et puis, le temps passant, je me suis désinvesti de ce travail, parce que j’ai fait d’autres choix, avec d’autres contraintes. Et je ne ferai pour ma part pas le reproche à Pépito de n’avoir jamais participé à des commissions fédérales, ou des congrès ou de s’être frotté avec le CAF, la FFM puis la FFME dans des débats et des prises de décisions qui transformaient le paysage institutionnel et les pratiques du milieu montagnard et exigeait de passer des week-ends en Province en renonçant à grimper. Dans la vie, chacun compose avec ce qui lui semble être possible et souhaitable en fonction de ses contraintes et de ses intérêts (non matériels). Pépito a fait d’autres choix que les miens et non seulement je les respecte, mais je lui en suis reconnaissant. Je ne lui demande pas d’en faire de même avec moi mais juste d’être un peu plus tolérant.
Pour ne pas conclure
J’ai déjà écrit beaucoup sur le livre de Pépito, peut-être trop mais je l’ai trouvé tellement injuste et de parti-pris vis-à-vis de l’action de la FSGT (alors même qu’au début et à la fin il note qu’il ne serait pas devenu ce qu’il est sans elle[15]) que j’ai considéré qu’il était nécessaire de lui répondre publiquement sur ce qui me semblait l’essentiel. Il reste cependant un dernier point plus prospectif qui concerne le sens de cette histoire.
Cette question, Pépito y fait allusion dans un de ses derniers chapitres, celui intitulé Satisfactions et infortunes des idéalistes et qui traite des illusions que la FSGT aurait entretenues tout au long de son action. Il y revient sur la chute du rêve de développement d’un alpinisme populaire que nos innovations n’ont pas fait advenir. J’ai déjà expliqué que dès 1985 (et même avant) soit quand même 35 ans, nous avions abandonné l’idée de l’alpinisme populaire, ce serait plutôt Pépito qui se fait des illusions quant à nos objectifs. Pour autant, peut-on être satisfait de nos actions, et doit-on se contenter de l’augmentation de nos effectifs aussi bien en adhérents qu’en clubs que je mentionnais plus haut ? Certainement pas, mais il faut bien comprendre les causes objectives de cette situation. Ce qui explique que nous sommes loin d’avoir atteint notre objectif du développement de l’escalade pour tous et que ce qui s’est surtout développé c’est un marché de l’escalade dont les salles payantes privées sont le signe le plus évident[16] et en plus avec la récupération de nos innovations comme les blocs de la fête de l’Humanité, c’est le fait que nous vivons dans une société capitaliste qui a pour seul objectif la rentabilité du capital investi et qui, dans ce but, cherche tous les moyens de cette rentabilité. Dans l’état actuel du monde et du développement de la mondialisation, cette recherche se fait principalement dans deux directions. L’une est géographique et vise à exploiter de nouveaux territoires (mais il ne reste plus que l’Afrique) et l’autre à créer des nouveaux marchés. Cette seconde orientation se poursuit surtout dans trois domaines, la biologie, les données personnelles et les loisirs. C’est là que nous sommes concernés puisque l’escalade s’est révélée pouvoir être un nouveau marché prometteur d’abord grâce aux murs privés et à la pratique sûre qu’ils permettent.[17]Aujourd’hui, la croissance des salles est spectaculaire dans le monde entier, en nombre, en surface grimpable et en coût, une des dernières en date qui a été inaugurée fin décembre 2019 à Abou Dhabi a coûté la modique somme de cent millions de dollars (ce qui couple les deux orientations citées plus haut, ici l’Afrique et le marché des loisirs). Cette orientation a d’ailleurs des implications sur la pratique et contrairement à ce qu’écrit Pépito page 264 quand il déclare qu’« aujourd’hui il est culturellement impossible d’imaginer de pratiquer l’escalade sans grimper en tête », la multiplication des enrouleurs dans les salles, la pression de l’Éducation nationale pour instaurer la moulinette comme forme dominante de pratique et la pratique de cette même moulinette qu’on voit souvent en falaise montre exactement le contraire. Ce qui est logique car un produit vendu sur un marché ne doit pas être dangereux pour le client. Nous n’avons pas cherché à « désembourgeoiser un sport pour le rendre accessible aux prolétaires » comme il est écrit dans la note de la page 265 où je suppose que je suis un des « esprits supérieurs » qui est visé, tout simplement parce que le sport, quel qu’il soit, n’est pas bourgeois par nature (cette conception ce sont les staliniens soviétiques qui la défendaient), mais que les conditions sociales dans lesquelles il est accessible ne lui permettent d’être pratiqué que par des bourgeois. Et contrairement à ce que dit cette longue note de la page 265, nous n’avons pas réussi à « embourgeoiser des jeunes travailleurs en leur permettant d’accéder à travers l’alpinisme (en réalité à travers l’escalade) aux valeurs bourgeoises de liberté, d’autonomie et de libre entreprise ». Nos avons juste contribué à élargir le public touché par l’escalade qui est resté majoritairement constitué d’étudiants et de cadres supérieurs à fort capital culturel.[18] Il faut bien faire le constat que dans la société actuelle nous sommes dominés par les formes que prend le capitalisme pour se survivre (mais qui sont en même temps le signe de la crise profonde où il est entré et dont la dégradation de l’environnement est un des signes les plus inquiétants) et que même si dans nos clubs, les travailleurs peuvent pratiquer non pas gratuitement mais pour des tarifs imbattables, ce sont les salles privées qui se développent le plus. Mais il ne faut y voir ni une trahison de la FSGT vis-à-vis des travailleurs, ni une tromperie sur l’activité qu’on leur aurait promise, mais un combat inégal entre un capitalisme aux abois et une association qui résiste comme elle peut. Et quand, page 271, Pépito nous accuse, et moi en particulier puisqu’il renvoie en note à une phrase tirée de L’alpinisme ? Laisse béton !, montrant que je fais partie de « ceux qui ont continué à espérer sur la pertinence de leur logique et persévéré dans leurs prédictions toutes oreilles fermées aux critiques des bienheureux qui ont eu la bonne idée de ne croire qu’en eux-mêmes dès le début », j’avoue ne pas bien comprendre qui sont ces bienheureux ni quand se situe ce début. Mais je comprends bien que je suis un autiste qui reste borné sur ses idées qui ne sont même pas périmées mais qui n’ont jamais été viables. Toutefois, comme dans tout son texte, il oscille entre l’alpinisme populaire et l’escalade sportive qu’il refuse d’ailleurs de distinguer, je ne sais pas très bien quelles sont ces idées périmées.
Je trouve vraiment dommage que Pépito vive si mal son rapport aux autres à propos d’escalade et qu’il se voit tant d’ennemis contre qui il cherche à rompre des lances, pas toujours bien dirigées. Et je trouve aussi dommage de voir que j’en fais partie. Pour moi Pépito reste un ami avec qui j’aime discuter et grimper (même si je n’en ai plus trop le niveau) et je regrette qu’avant d’écrire un certain nombre d’affirmations sur ce que je pensais ou écrivais sur l’alpinisme et l’escalade il ne m’en ait pas d’abord parlé. Comme quand il m’accuse avec Loulou de condescendance (page 284) d’avoir écrit dans L’alpinisme ? Laisse béton ! qu’il existait des travailleurs « usés par le travail, abrutis par la presse et la télévision… » alors qu’il ne s’agissait hélas que d’un constat qui serait d’ailleurs bien pire aujourd’hui où la souffrance au travail conduit de plus en plus au suicide. Je regrette aussi qu’il ait de la FSGT une image si négative, même si de temps en temps il lui reconnaît quelques mérites. La FSGT est historiquement liée au mouvement ouvrier, elle continue à œuvrer pour rendre le sport accessible au plus grand nombre et accuser « les apôtres de l’alpinisme populaire de la FSGT (d’avoir) des goûts de nantis et (lorgner) sur l’argenterie culturelle de la bourgeoisie » (page 267) est injurier gratuitement des militants qui ont passé du temps à essayer de développer le sport populaire. Qu’ils aient échoué ou réussi (partiellement), ils ne méritent pas cette pseudo ironie.
Je n’ai plus qu’à espérer que Pépito ne se fâche pas définitivement avec moi parce que j’ai longuement développé toutes les critiques que m’ont inspirées la lecture de son livre. Mais mon statut de « lettré à la pensée profonde » m’a habitué à discuter publiquement des travaux publiés sans y mettre de filtres affectifs. J’ai essayé de le faire en donnant à chaque fois les arguments qui me semblaient justifier mes analyses, ce qui me semble être un des manques principaux de son travail, trop écrit à fleur de peau. Je dois cependant en être le premier lecteur après l’avoir acheté puisque je l’ai commencé dès le 30 janvier et achevé le 2 février en rentrant de Grenoble, preuve que j’avais hâte d’en découvrir le contenu. Que ce dernier m’ait le plus souvent fait sauter au plafond (à l’exception du début et de la fin où il cesse les critiques pour exprimer les sentiments que Bleau et l’escalade lui inspirent) et m’ait conduit à écrire ce texte, ne m’empêche pas de continuer à trouver le travail qu’il fait à Bleau remarquable.
[1] Vous savez, cette association qui s’est lourdement trompée tout au long de son histoire, qui s’est indument vantée d’avoir eu une influence sur la montée de l’escalade sportive en France, qui se rallie sans le voir à la « logique capitaliste » (page 164), qui « n’a jamais appartenu et n’appartiendra jamais aux ouvriers » (page 267) et qui a été à la remorque du CAF (dont d’ailleurs elle ne se distingue guère) sur les équipements de voies faciles et l’escalade des enfants.
[2] Quant à la période 1971- 1980, sur les 22 pistes créées, 9 l’ont été par la FSGT et 1 par le GUMS.
[3] Mais si on voulait aller au bout de cette question, je pense qu’il faut distinguer le vieillard vieux grimpeur qui a une technique lui permettant de grimper sur des pistes faciles pas spécifiquement faites pour lui, juste moins difficiles que celles qu’il pratiquait avant et le vieillard qui n’a jamais grimpé et a en plus les problèmes liés à son âge et qui lui devrait sans doute avoir besoin de pistes conçues vraiment pour lui. De ce point de vue, les formidables pistes jaunes créés aujourd’hui par Pépito sont exclusivement réservées à la première catégorie de vieillards.
[4] C’est d’ailleurs aussi pour cette raison d’une reconnaissance de légitimité au sein de la communauté des grimpeurs qu’en plus des circuits jaunes nous ouvrions aussi des circuits difficiles. Sur ce point d’ailleurs, Pépito me crédite de la piste rouge de J.-A. Martin mais c’est tout à fait inexact (je n’ose imaginer quelle aurait été sa réaction si quelqu’un avait attribué la piste rouge du Canon au seul Philippe Berger, heureusement mes co-auteurs sont plutôt paisibles). Cette piste a été réalisée par plusieurs grimpeurs de notre section et en particulier, pour ceux dont je me souviens avec certitude, Jean-Luc Rapp (qui a réalisé le départ, Le mur du son, dont on appris ensuite qu’il avait déjà été gravi), Noël, Robert et moi. De plus en regardant son tableau, je m’aperçois d’une spécificité de cette piste par rapport aux autres, c’est que c’est une des rares qui ait été créée collectivement (avec celle du Rocher Canon due à Jean-Pierre Naudin et « Petit beurre » deux autres membres de la FSGT et à l’exception de celle du Cuvier qui n’a pas été créée par Albert Gehant mais par de nombreux grimpeurs au fil de la grimpe au Cuvier, Albert n’ayant fait que de relier entre elles des voies déjà existantes). Il aurait donc dû mettre FSGT Sainte Geneviève des Bois comme auteur dans son tableau, illustrant ainsi une autre conception de l’ouverture des circuits à Bleau par rapport à l’ouverture due à un seul grimpeur émérite. J’en profite pour ajouter que Gilles Modica me crédite lui de la création du premier circuit jaune de Bleau et des circuits enfants !
[5] Ce qui ne veut pas dire que toutes les falaises doivent être équipées de cette sorte ou que le terrain d’aventure doit être abandonné, mais que si on veut faire de l’escalade sportive (où la chute est un facteur de progression) elle doit se faire sur ce type de falaise.
[6] En réalité, elles n’étaient pratiquement pas équipées et Pépito se trompe quand il dit que les montagnards se sont résignés à ne plus retirer les clous dans les voies faciles. Ils ne le faisaient pas parce qu’il n’y avait pas de clous (ou très peu) dans ces voies.
[7] C’est une forme d’expression qu’il emploie malheureusement un peu trop tout au long de son livre, attaquant de manière non nominative de multiples adversaires, tout en s’estimant lui-même largement attaqué, tout en restant dans le flou sur ceux qu’il vise. Je crains que ce genre de réaction ne nuise à un débat serein. On a le droit d’être en désaccord mais il faut expliquer pourquoi et le justifier mieux que par des invectives ou des sous-entendus.
[8] Autre exemple d’une critique non nominative et où j’ai l’intuition que je suis l’un de ceux qui est visé comme je suppose être ce « lettré habitué à la pensée profonde » plein de certitudes évidentes.
[9] Il ajoute : « Il fallait simplement y penser » et c’est justement ce que nous avons fait, sauf que c’était loin d’être « simple » comme on peut le dire après-coup.
[10] Je dois d’ailleurs aussi dire que ce qui s’est fait à la suite de la création de la FFME en matière d’équipement de falaises, en particulier avec les premiers plans d’équipement départementaux où des fonds publics ont été pour la première fois dégagés pour ce faire, l’a été quand j’étais le président de son comité sportif. Si je n’ai pas réussi à convaincre d’équiper plus de voies faciles, sur l’équipement moderne sur le modèle d’Hauteroche ça a été beaucoup plus facile. Quant à ce qui s’est fait au sein de le FFE, où je siégeais aussi au conseil d’administration, c’est essentiellement sur l’organisation des premières compétitions que son action s’est concentrée.
[11] Mais quand il déclare qu’il n’est pas alpiniste, ce n’est pas sa conscience de son rapport à la mort qu’il prend en compte, c’est l’image collective qui se construit quand on prononce le mot « alpinisme » et qui renvoie uniquement aux ascensions en montagne et principalement enneigées.
[12] Pourquoi cette « lutte » est-elle apparue au 18ème siècle et pourquoi ce sont les anglais qui l’ont institutionnalisée ?
[13] On peut notamment le voir avec le club Cimes 19 qui organise un programme d’initiation à l’escalade sur 7 séances, dont une en falaise avec des jeunes d’un foyer qui n’étaient pas prédestinés à rencontrer l’escalade et qui peuvent grimper en tête dès la troisième séance. C’est l’objet d’un film touchant, Tous premiers de cordée, où l’on voit les jeunes du foyer grimper et commenter cette initiative.
[14] Mais il explique dès le début du chapitre page 213 qu’il « pense que ce serait une erreur de dire que les circuits sont le résultat d’une œuvre de bienveillance ». Il semble donc que sa référence à l’altruisme dans la création de circuits d’initiation soit purement rhétorique, ne laissant subsister que les peintres en piste comme seuls vrais bénévoles.
[15] C’est aussi mon cas.
[16] Mais il y a aussi la professionnalisation de l’équipement des falaises ou des via ferrata et le développement des parcours accrobranches.
[17] Les statistiques montrent que le risque d’accident en salle d’escalade est nettement plus faible qu’au badminton !
[18] Je ne discute pas le qualificatif de « bourgeoise » attaché à la liberté et à l’autonomie mais c’est du même ordre que le sport dit bourgeois.
"je crois d’ailleurs que des adhérents de la FSGT ont déjà participé à l’entretien de circuits mais je ne me souviens plus desquels"
RépondreSupprimerJe peux citer au moins ces personnes pour compléter: Jean-Jacques Naëls, Philippe Leduby, Catherine Gueguen, Valérie Canouel (depuis peu, encouragements!), François Louvel, Martine Bultel, Pascal Etienne ainsi que des tas d'autres que je ne connais pas.
"C’est la même chose avec Orgon et Mouriès où nous avons été à l’origine du développement de ces falaises avec, surtout pour Orgon, un accent mis sur des voies très faciles"
Chronologiquement, c'est d'abord à Mouriès que nous avons exporté l'expérience de Hauteroche: en effet, avec Serge Jaulin et Catherine, nous avons commencé par équiper les voies les plus faciles de cette falaise à fort potentiel pour le haut niveau,. Deux ans plus tard Serge nous montrait Orgon, vierge de toute voie d'escalade. Il n'était pas très motivé, nous avons poussé à développer cette falaise en y réalisant les premières voies avec lui, suivis de peu par les copains de Ste Geneviève à qui nous l'avons fait découvrir. Cela sera suivi au printemps suivant par le stage d'équipement FSGT sur place, renouvelé l'année suivante. Le relais a ensuite été pris par les clubs locaux de la FSGT qui équipèrent de nombreux secteurs faciles. Orgon a été le Hauteroche du Sud. A propos de ces stages d'équipement (l'oeuvre collective de Hauteroche sur plusieurs années, les deux séjours à Orgon, je n'ai pas souvenir qu'il y ait eu, en France, des initiatives collectives et/ou associatives comme celles-ci pour apprendre à équiper les falaises afin qu'elles soient grimpables par toutes et tous en toute sécurité... Je pense même qu'il aura fallu plusieurs années avant que ce soit reproduit ailleurs.
J'ai aussi participé à l'ouverture de voies à Mouries, au tout début.
SupprimerEn face nord.....
Mais il est vrai que le vrai découvreur est bien Serge.
Jean-Jacques,
SupprimerLa fsgt, au moins la" section montagne" c'est quoi?
Un club fermé d'obédience communiste dont les membres vivent toujours les uns avec les autres , majoritairement instits ou profs , passant les vacances en Camp d'été, dénigrant les bourgeois du caf qui se font tirés par des guides, etc...
Un club où, contrairement aux cathos qui vont à la messe le dimanche, on va à bleau en famille. Mais sans oublier d'aller piquer aux prolétaires des hlm du coin les paillassons des portes d'entrée pour en faire des tapis au pied des blocs...
La Fsgt est une église d'intellectuels autoproclamés détenteurs de la seule vérité dans le monde de la grimpe.
Bref , Pepete, merci pour ton livre.
Je sais bien cela puisque j'y étais aussi à Orgon et Mouriers, comme j'ai aussi équipé dès le premier jour à Hauteroche... Mais, c'est hors sujet. De plus, je ne peux comme vous affirmer qu'il n'y a pas eu d'autre "initiative collective, en France et ailleurs. Pour l'entretien des vieux circuits, je dis bien entretien, pas création ou recréation, c'est l'œuvre ponctuel de quelques individus, ça ne vient pas d'une initiative fédérale avec "vu à long terme". C'est juste un constat qui nous renseigne du comment l'entretien se fait (que Gilles voit une attaque contre la FSGT, c’est simplement ridicule). Dans mon livre j’explique que l’on doit plus à la conscience et à la satisfaction des intervenants, le travail de maintenance, qu’à leur appartenance à une association ou club (caf, gums, fsgt). C’est pour ça que les actions apparaissent « incontrôlées ». Comme Gilles l’a fait remarquer lors d’une réunion du cosiroc « je ne suis pas réellement de la FSGT ». Et ce n’est pas au nom de la FSGT que je m’occupe des circuits, mais au nom d’un certain enseignement et à ma conscience… Aussi, mon nom ne doit pas apparaître comme bénévole de la FSGT, autant que celui de François qui n’a à ma connaissance, jamais entretenu de circuit même ceux qu’il a créé et ce n’est pas le seul, c’est presque tous les créateurs. Un simple constat, pas un procès. Nul n’est obligé… Le jour ou je les verrais entretenir un circuit qu'ils n'ont pas créé je dirais tient, c'est sympa...
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RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerTout aussi attachant que soit Pépito, il n’écrit ici que sa version de l’histoire.
Ce livre est hélas truffé de jugements, affirmations, citations mal interprétées et sous entendus accusateurs qui donne une bien mauvaise du milieu, de son évolution, de ses dirigeants, des bénévoles, etc. finalement de l’auteur lui-même.
Un livre sans doute écrit comme une auto-psychanalyse qui, on l’espère, permettra à l’auteur de se réconcilier avec lui-même à défaut de se réconcilier avec les autres.
A lire aussi la longue réponse de Gilles Rotillon sur le blog de l’ASL 91 aux élucubrations de Pépito… http://grimpeasl91.blogspot.com/2020/02/comme-vous-le-savez-tous-pepito-ecrit.html
Bien à vous
Grégoire
Que Pépito ne voit pas qu'il attaque la FSGT c'est justement la preuve qu'il a écrit ce livre "à fleur de peau". Je peux lui assurer que tous ceux que j'ai vu et qui l'ont lu y ont vu comme moi une attaque contre la FSGT (je ne vais pas reprendre toutes les allusions qui émaillent son livre, il y en a un certain nombre dans mon texte (dès la note 1) et je pourrais en citer bien d'autres). Je n'oppose pas "ma" vérité à la sienne, mais des faits (comme celui qui explique qu'il a été reçu initiateur après un stage de 15 jours où il était entré comme débutant et non après 5 ans de courses PD et 40 courses AD comme il l'affirme page 187, gratifiant au passage la FSGT de suivre un "modèle soviétique" (mais ce n'est pas une attaque!). Dans son premier commentaire il revient sur l'entretien qui est pour lui LE critère du bénévolat et il a l'air de considérer (interprétation renforcée par tout son livre) que seuls les peintres en pistes seraient des vrais bénévoles. Qu'ils en soient, que leur travail soit important et souvent remarquable c'est tout à fait vrai et je le dis dans mon texte (c'est même ma dernière phrase), mais il n'y a pas que l'entretien des pistes dans la vie, même d'un grimpeur. Et pour être sûr, j'aimerai bien que Pépito explicite exactement la "légende" qu'il s'est donné pour mission de combattre. Pour ma part, ce que j'ai compris à la lecture de son livre c'est que la FSGT n'a rien à voir avec le développement de l'escalade moderne, qu'elle n'a pas lancé l'équipement des "falaises à l'aise", ni des pistes enfants, ni des pistes jaunes. Que sur tout ça elle n'a fait au mieux que suivre le mouvement. Moi je maintiens qu'Hauteroche est la première falaise au monde à être équipée selon cette conception (et que Pépito ne puisse pas en citer une plus ancienne n'a rien de surprenant, mais qu'il regarde simplement le guide du CoSiRoc de Taupin au moment de la publication du topo d'Hauteroche et il verra que c'est la seule de ce type (et en plus critiquée par son suréquipement, aujourd'hui critiquée pour son exposition!). Je maintiens aussi que les blocs de la fête de l'Huma en 1981 ont été les premiers de ce type et qu'ils ont lancé les salles d'escalade qui ont copié ce modèle. Quant aux pistes jaunes, il suffit de lire le tableau que Pépito donne dans son livre pour voir qu'entre 1967 et 1970 la majorité des pistes jaunes ont été créées par la FSGT (voir mon texte pour plus de détails), modifiant fondamentalement l'accès aux circuits d'escalade jusqu'ici réservé aux grimpeurs déjà confirmés. Et c'est en 1967 que la FSGT a lancé ce mot d'ordre d'une piste jaune par massif (et avant de les entretenir, il fallait d'abord les créer). Enfin les circuits enfants, c'est aussi la FSGT qui les a lancés, il faut être de mauvaise foi pour le nier. Tout cela ce sont des faits et ils sont niés par Pépito dans son livre, d'où la raison qui m'a poussé à écrire cette longue réponse.
RépondreSupprimerUn dernier mot sur son second commentaire où il demande qu'on lui donne des noms de voies qui auraient été équipées pour l'initiation, sous-entendant que l'on se vante d'actions que l'on n'a pas faites (c'est malheureusement une des tendances lourdes de son livre de faire plein de sous-entendus sans expliciter vraiment des faits qui les justifieraient). J'ai cité dans mon texte les voies d'Herbouilly, dans le Vercors, ancêtre d'Hauteroche pour sa conception d'une approche de l'escalade en tête à tous les niveaux). Il y en avait une bonne quinzaine et elles ont toutes été équipées par Fanfan, Noël, Jean Dohen et moi. J'ai aussi cité les voies de Cormot de l'USI, avant Hauteroche et il y a toutes les voies faciles d'Hauteroche, dont je serais bien incapable d'attribuer la paternité à tel ou tel (je sais que j'en ai équipées quelques unes au début de la falaise), mais l'innovation d'Hauteroche ce n'est pas seulement les voies faciles bien équipées, c'est le concept de la "falaise à l'aise " comme il est apparu par la suite après Orgon, qui est une oeuvre collective où toute la FSGT parisienne est partie prenante. Ce qui comptait c'était de créer une falaise avec tous les niveaux (et pour cela le fait qu'il y ait des voies difficiles était très important pour qu'on soit pris au sérieux) et que l'on démontre par la pratique qu'un autre modèle de falaise était possible, où les voies faciles étaient aussi bien équipées que les difficiles. Le fait qu'ensuite La montagne à Saffres (et bien d'autres) ait bénéficié de plus de deux pitons est la preuve que l'on a été suivis. L'équipement tel qu'on le connait aujourd'hui était né et son acte de naissance est à Hauteroche. Que l'on me donne d'autres faits qui prouveraient le contraire et je ferais un mea-culpa.
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RépondreSupprimerLaisse tomber... ton livre est une aubaine pour Gilles... Il devrait te remercier
RépondreSupprimerJ'aime bien les anonymes quand ils ont le courage de leurs opinions et des arguments pour les défendre
RépondreSupprimerDeux commentaires au post numéro deux:
RépondreSupprimerD'abord je ceci: " De plus, je ne peux comme vous affirmer qu'il n'y a pas eu d'autre "initiative collective, en France et ailleurs"
Pardon Jean-Jacques, mais tu ne cites pas ce que j'ai écrit. Je n'ai pas "affirmé", bien au contraire, j'ai écrit "à ma connaissance" et "je pense que". N'ayant pas fait de recherches historiques, je ne me permettrais pas d'affirmer. De la même manière, je n'ai pas écrit "en France et ailleurs"...
Deuxième chose, tu contestes le bénévolat de François Louvel dans la réfection des circuits, je ne le fréquente pas assez pour savoir s'il a fait plus, mais il a au moins à son crédit d'avoir entretenu le circuit enfants "maternelle" de la Feuillardière et d'en avoir ajouté deux autres pour les plus grands, ce qui a nécessité des jours et des jours de présence sur place. Mais dans mon post je parlais en effet de deux falaises, je suis donc hors-sujet.)
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